ANTOINEAURIOL.COM
Sous le haut patronage de sa majesté le roi Mohamed VI Le point de vue des frères AURIOL Antoine Auriol, 35 ans - Pro Kitesurfer Champion du monde KPWT 2010 - Présentateur TV Thomas Auriol, 32 ans - Peintre - Free Kitesurfer. Antoine “Cela faisait plus de 10 ans que Dakhla me trottait dans la tête… Jamais je n’avais posé un pied dans cette fameuse lagune, l’un des spots de kitesurf les plus réputés, aux portes d’un désert dessiné par les vents. J’étais pourtant déjà venu au Maroc, un pays vibrant avec une culture et une histoire incroyable. Son peuple est d’ailleurs à l’image de sa nature si variée: dynamique, créatif, solaire. J’ai remarqué que beaucoup de marocains ont en commun le rire communicatif, je crois que cela aide à réaliser des projets qui semblent impossibles. Un de mes amis de longue date en est la preuve: Soufiane Hamaini, avec qui j’ai fait de nombreuses coupes du monde de Kitesurf aux quatre coins de la planète. Cette année, il m’a invité mon frère Thomas et moi à participer à un évènement qu’il organise: le Dakhla Downwind Challenge. Au téléphone il me dit que l’idée, c’est de faire 500kms de kite en partant de Dakhla jusqu’à la frontière Mauritanienne. Il m’a fait réver et convaincu en moins d’une minute. Presque personne n’est jamais allé là-bas, car ce sont des zones militaires, spécialement ouvertes pour l’occasion, sous le haut patronage de sa majesté le roi Mohamed VI. Soufiane m’explique que cette région est très chère au Maroc, car cette année, cela fait 40 ans que le pays a récupéré cette zone de la façade océanique du Sahara Occidental. Thomas “En arrivant à l’aéroport de Casablanca j’étais limite dans les temps pour faire ma correspondance. Je passe le transfert au plus vite et me dirige vers l’embarquement pour prendre l’avion qui me mènera à Dakhla. Au bout d’un couloir une personne de la compagnie aérienne m’interpelle pour me dire que j’ai raté mon avion. On discute, j’essaye de voir si il y a quand même moyen de rattraper le coup. Il me fait mariner une minute et là Antoine surgit d’un côté, téléphone à la main. Il avait filmé toute la scène que lui et Lutfi, le gars de la compagnie aérienne s’étaient mis d’accord à improviser. Finalement il nous restait 10 minutes avant l’embarquement, le downwind pouvait commencer. On s’installe dans un bungalow de Dakhla Spirit où l’on rencontre Fiti, un espagnol de Fuerteventura qui va assurer les photos du trip. Au réveil, on découvre le spot, un plan d’eau flat dans un immense panorama de dunes et collines sablées. J’étais venu 10 ans auparavant, filmer une étape de la coupe du monde de kite. Antoine Soufiane réuni les riders dans la casa vela pour un briefing. On va enfin connaître les spécificités de chaque étape! Au programme, 500 kms de kite prévu en 6 étapes. On devrait arriver aux portes de la Mauritanie dans 6 jours. Les downwinds vont être intenses. Après une entrée en matière dans l’immense lagune, on dépassera la baie pour continuer en plein océan, le long des spots où peu de kitesurfers ont eu la chance de s’aventurer. Le vent devrait souffler autour de 30 noeuds pendant plusieurs jours, et normalement on devrait parcourir 15 kms de kite par heure. L’objectif c’est le plaisir de faire de la distance et non de la vitesse performance. À ce moment là, on ne sait pas trop où on va ni comment ça va se passer. L’euphorie commence à gagner le groupe puisque l’on va découvrir de nouveaux paysages, et pousser nos limites physiques. Thomas Le départ du downwind est lancé à 15h, je me lance avec 30 minutes de retard sur les autres, étant resté à terre pour filmer. Antoine m’avait préparé le matos, une 8m avec laquelle je suis bien toilé. Je pars grand largue, dépasse le speed spot navigue à fond sur quelques kilomètres jusqu’à ce que j’aperçois les ailes des autres downwinders. Je les rattrape assez vite puisque Antoine imprime le rythme de la troupe et il est plus concentré à envoyer des big air qu’à faire de la distance. Il a contaminé tout le groupe et ça saute dans tous les sens. Je n’arrive pas à apprécier la distance parcourue et celle qu’il nous reste alors je me joins aux autres et envoie des sauts à n’en plus finir. Antoine Je vois le désert défiler, des dunes, de la roche, la belle île du dragon, la superbe dune blanche… Des spots de kite dans tous les sens! Tous ces endroits sont épurés et façonnés par les vents depuis des siècles. Il y a comme une sensation d’intemporalité. C’est nouveau pour moi. Je profite de chaque instant. Dans ma vie de kitesurfer j’ai navigué sur un grand nombre de spots insolites, mais je n’ai jamais fait autant de kilomètres en une journée. Purs moments de partage avec mon frère, et tous les copains kitesurfers. Des instants de glisse, de joie, de dépassement de soi… Une équipe de sauvetage nous accompagne tout au long de notre périple. À bord de leur zodiac, Soufiane aux commandes. Avec son équipe, ils ont le sourire et sont toujours prêts à nous aider. Le long des côtes, il existe tous les cinq kilomètres des postes de la marine royale. On ne les voit pas forcément tout le temps, car ils se fondent dans le paysage, mais eux nous voient en permanence. On est en confiance, il ne peut rien nous arriver. Nous rythmons notre downwind par quelques pauses bien méritées. Quand on s’arrête, on hallucine sur la beauté du paysage. La côte désertique à perte de vue, et plein sud, la suite du trip. Thomas Après une bonne heure à ce rythme on fait une pause sur un banc de sable. Tout le monde a déjà des étoiles plein les yeux. On a vu défiler pas mal de paysages, déjà bien plus que dans une session normale. Les gars de la sécu nous font savoir que nous sommes à un tiers du parcours et qu’il va falloir accélérer pour arriver avant la nuit ! On relève les Kite et c’est reparti, ça saute moins et les trajectoires sont plus ouvertes. Tous tirent encore des bords, il faut un peu de temps pour perdre l’habitude de faire du cap. En temps normal on navigue tellement peu au grand largue. Je n’ai jamais fait autant de bornes en kite et nous sommes à mi-parcours. Les cuisses commencent à chauffer. On longe de hautes falaises qui plongent directement dans l’eau. Le vent est plein side alors certains s’amusent à s’en rapprocher un max. Il faut être vigilant, ça va super vite et il faut constamment observer le plan d’eau. Au bord, il arrive qu’il y ait des cailloux à fleur d’eau. Mais le scénario est tellement incroyable qu’il est dur de résister à l’envie de faire un gros virage au plus proche de la falaise. Au bout de quatre heures de downwind, je commence à prendre conscience de l’immensité de la côte. On arrive à la plage indiqué avant le crépuscule, certains d’entre nous sont rincés, moi je me demande comment vont être mes genoux au réveil ? Antoine Après quelques péripéties on décide de faire le point entre riders pour organiser le groupe. Mohamed et Thomas ouvrent la voie à l’avant. Moi je suis à l’arrière et ma mission, c’est de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’incidents. J’aide les autres s’il y a un problème. Un chèche sur la tête, je m’adapte au terrain de jeu. Je suis bien content d’avoir écouté Cher, notre jeune chauffeur qui m’a proposé de me mettre en mode Saharaoui. Avant de partir sur ce voyage j’avais mis mon shorty dans le quiver en pensant que je n’allais jamais l’utiliser. Finalement la combinaison chèche-shorty est parfaite, car le vent refroidit l’atmosphère et on ne crève jamais de chaud sur l’eau! On avale les kilomètres, ça pique un peu au niveau des jambes. L’arrivée de la deuxième étape restera gravée dans ma mémoire… Après un dernier tronçon intense, car nous avions traversé la baie de Cintra, puis longé la côte pendant 20 kilomètres en passant par un spot de vitesse, où nous avons fait quelques bords de speed à moins d’un mètre de la plage, nous sommes finalement arrivés à destination. Le lieu de rendez-vous était à côté d’une magnifique épave. Ce jour là, il y avait une légère brume au loin, qui créait une atmosphère mystique. En arrivant à côté du bateau échoué, j’étais dans un état de plénitude, entre la fatigue, la joie, le kiff. Thomas L’une des devise favorite de notre père est : “Ne demande rien à personne”. Du coup, je suis vraiment habitué à faire les choses par mes propres moyens. Et là, au bord du Sahara, j’apprécie et je valorise le campement qui a été monté avant notre arrivée. Grâce à l’équipe du downwind, une fois nos kites pliés, on peut songer à nous reposer. Assis dans une grande tente berbère à l’abri du vent on revient sur les événements de la journée. Ça discute autour d’un thé en anglais, espagnol ou français. On ne fait pas long feu le soir, bercé par le bruit des vagues et la fatigue aidant, on pense tous à recharger les piles pour la session suivante. Le lendemain une très grosse étape nous attend, on va passer 7 à 8h sur l’eau. Je ne ressens pas de douleur particulière, mais je sais qu’il va falloir que je navigue autrement si je veux aller au bout. Ça rejoint mon idée générale, celle de naviguer en étant tonique sur des temps toujours plus court et réceptionner les sauts de la façon la plus légère possible histoire de pouvoir continuer à naviguer tout au long de sa vie. On a encore 30 à 35 nœuds de vent, mais comme on ne remonte quasiment jamais au vent, on peut se permettre de naviguer un peu surtoilé. Je change un peu mes trajectoires, d’autant que là houle commence à se dessiner et c’est super agréable de partir au surf. Par moments, je m’amuse aussi à aller plein vent arrière, les accélérations sont fulgurantes quand on fait faire des loops à l’aile. Je me mets souvent en switch pour soulager mes jambes. Je navigue avec la planche très à plat en enroulant les vagues et le clapot au maximum. Plein vent arrière, il y a moyen de se débrouiller pour que ce soient le vent et la houle qui bossent pour toi. Il faut juste choisir les bonnes trajectoires et rester attentif à ses appuis. Le paysage défile, par endroits de gros morceaux de falaise sont tombés dans l’eau, on dirait un biscuit sablé géant qui se serait brisé. On passe d’immenses dunes, de nouvelles pointes. J’ai l’impression d’être sur un snowboard qui descend une montagne infini. Antoine Une autre équipe nous accompagnait sur terre. Constituée entre autre de Moufid, un médecin en or, Ahmed le joyeux coordinateur, Soufiane sauveteur et pêcheur, ainsi que d’autres membres qui travaillent au bon déroulement du trip. Chaque jour, une grande tente marocaine était montée. Cela permet d’avoir un espace commun, où l’on retrouve les autres riders, où l’on se repose, on mange, face au désert. Avec Samir l’Irlandais, Mohamed le local et Joao le Brésilien, je peux vous dire que l’on s’est bien amusés. C’est tellement cool de pouvoir venir de cultures différentes et de partager des moments autour de notre passion commune. Souvent, le soir après un barbecue dans le désert autour du feu, on se repassait la journée, et on baignait tous dans la même énergie positive. Nos petites tentes étaient aussi montées chaque jour juste à côté, afin de bien se reposer la nuit. Cette année, les deux dernières étapes prévues n’ont pas pu être faite depuis l’océan, faute de vent. Cela arrive, nous sommes dépendants de la nature, et parfois les conditions ne sont pas au rendez-vous… Peu importe, j’ai pu découvrir le désert, le vrai. On est parti en 4x4 explorer cette magnifique région. Au volant: Cher, notre super guide. Toujours le smile, écoutant de la musique gnawa, du reaggae, qui n’hésite pas à pousser la chansonnette, faire quelques plans Gopro dans le désert, et allant même jusqu`à nous mettre du Edith Piaf à fond les ballons. Non, rien de rien, non, on ne regrette surtout pas d’être venus… On a tous pris une claque, tellement c’était beau et dépaysant. La cerise sur le gâteau, ça a été la session de kite dans les dunes. Cher, en fin connaisseur du désert n’a pas hésité une seconde, et nous a conduit là où il n’y a plus de routes. Comme sur l’eau, le paysage défile à une certaine vitesse dans le désert. Les dunes que l’on voit toutes petites au loin grandissent petit à petit, et une fois arrivé on se rend compte qu’elles sont énormes. L’air devient plus sec et la température grimpe d’au moins 10 degrés. Une légère brise souffle face à une magnifique dune. Ni une ni deux, je retire les ailerons de ma planche et pars pour une session de kitesurf sur le sable. Ma 13m a juste la puissance nécessaire pour me tracter et me faire remonter la dune… Comme en snowkite, pas besoin de remontée mécanique. Les sensations sont folles. Les vêtements sahraouis sont suffisamment amples pour me protéger du soleil et rester “frais”. Je descends la dune, les appuis sont différents de la navigation sur l’eau. Je me place plus à l’arrière de la board qui reste bien à plat. Je la remonte, et continue comme ça un moment jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Le désert est à perte de vue. Là je suis vraiment loin de tout ce que je connais… C’est un moment magique. Pour couronner le tout, lors de notre retour au campement on a nettoyé une plage pour laisser le lieu plus propre que l’on ne l’avait trouvé ! Encore une belle initiative de Soufiane Hamaini himself. Rendez-vous l’année prochaine, pour un downwind encore plus incroyable paraît-il!” Thomas Au retour du downwind, on a pu profiter d’une dernière session devant Dakhla Spirit. Fiti le photographe nous accompagne et rapidement on commence à faire des sauts en synchro avec Antoine. On retrouve des repères que l’on avait placé presque vingt ans auparavant lors de compétitions de trampoline synchronisé !” |
© Antoine Auriol